expairs colloque 2023

 

 

quels savoirs expérientiels pour quels usages ?

Les savoirs expérientiels personnels, collectifs ou pairjectifs en débat

 

Colloque scientifique international et interdisciplinaire du 25 au 26 mai 2023

Forum citoyen le 27 mai 2023

Rennes

 

 

Le programme

Session plénière - De quels savoirs d'expérience parle-t-on ?

Président de session : Baptiste Brossard, Maître de Conférences, université de York (Royaume-Uni)

  • Au contact du vivant : être vif ou être à vif ?
    Bernard Andrieu, Professeur, Philosophie, université Paris Cité
  • Des savoirs expérientiels des aidants familiaux et de leurs usages en formation
    Vanessa Remery, Professeur, Sciences de l'éducation, UQAM (Canada)
Session plénière – De l'expérience aux savoirs expérientiels

Président de session : Robert Dingwall, Professeur émérite, Nottingham Trent University (Royaume-Uni)

  • De l'importance de prendre en compte l'expérience vécue
    Larry Davidson, Professeur, Psychologue, Yale University (Etats-Unis)
  • En quoi l'expérience rare et les savoirs qui en découlent peuvent-ils être utiles ?
    Eve Gardien, Maître de Conférences, Sociologue, université Rennes 2
Session plénière – L'utilité sociale des savoirs expérientiels

Président de session : Gildas Bregain, chargé de recherche, CNRS, membre de l'équipe EXPAIRs

  • Les enjeux de la reconnaissance en santé : rôle du récit dans l'identité de l'acteur de soin
    Sophie Arborio, Maîtresse de Conférences HDR, Anthropologue, université de Lorraine
  • Reconnaître les savoirs d'expérience des travailleurs handicapés, entre usages subjectifs et collectifs
    Philippe Mazereau, Maître de Conférences émérite, Sociologue, université de Caen Basse-Normandie
29 communications Scientifiques en atelier,
Et 17 reflexions citoyennes dans le cadre du forum.

Argument du colloque scientifique & du forum citoyen

L’expérience d’une même situation ou d’un même phénomène, d’une même épreuve de vie ou encore d’un même problème de santé, peut varier considérablement d’un individu à un autre (Blume, 2017). L’expérience est singulière et personnelle. Mais l’expérience est-elle seulement singulière et personnelle ?

L’expérience est également constituée de faits réputés objectifs et aisément partageables par tous, par exemple : la blouse du masso-kinésithérapeute ou la roue du fauteuil. L’expérience comprend aussi tous les apprentissages intériorisés depuis le plus jeune âge qui ont permis à l’individu de vivre dans une réalité partagée avec les autres. L’acquisition des couleurs, de la variété des textures des matières, du langage, des valeurs et des normes, etc. ne s’est pas faite de façon autonome mais en relation avec les autres. Le rapport au monde, à soi et à autrui a été appris et construit (Berger & Luckmann, 1966). L’expérience continue au présent à être innervée par de nombreux savoirs glanés dans les rencontres avec d’autres individus, au cours du visionnage de documentaires ou de lectures, dans la rencontre avec des professionnels, médecin ou travailleur social, etc. L’expérience individuelle est donc fondée sur tout un ensemble de sources qui dépasse de loin la seule personne qui la vit. Une autre façon de résumer le propos pourrait être celle-ci : l’expérience personnelle est largement construite sur des savoirs intersubjectifs et partagés (Berger & Luckmann, 1966), sur le sens commun.

Un tournant dans la façon de prendre en compte l’expérience dans le champ des sciences humaines et sociales s’est opéré dans les années 1980-90 (Prior, 2003). Les travaux portaient jusqu’alors essentiellement sur les croyances profanes ou encore sur les représentations sociales, notamment en santé. Depuis, de nombreuses recherches et publications se sont intéressées aux savoirs et expertises profanes (Prior, 2003). Plus récemment encore, les publications scientifiques ont cessé de désigner ces savoirs sur la base de leur extériorité aux sciences. De profanes, ils sont devenus « savoirs expérientiels » (Borkman, 1976). Ils désignent le plus couramment des savoirs issus d’expérience de vie avec la maladie chronique, avec un trouble de santé mentale ou bien l’expérience d’une situation de handicap, mais aussi d’autres expériences rares telles certaines migrations, la grande pauvreté, la vie à la rue, etc.). Ce sont de ces expériences que peuvent être issues les savoirs rares qui nous intéressent.

Depuis les années 2010 en France, les savoirs expérientiels rares intéressent les secteurs professionnels et le champ politique. De nombreuses expérimentations sont aujourd’hui en cours au niveau local et national. Cette mise en œuvre de l’usage des savoirs expérientiels rares repose sur de nombreuses évidences qui sont peu interrogées (Blume, 2017). Tous ces savoirs sont-ils utiles ? Tous sont-ils pertinents ? Tous sont-ils valides ?

En outre, de nombreux problèmes pratiques se posent. Au niveau individuel tout d’abord. Le savoir expérientiel d’un seul permet-il de parler au nom d’une communauté de pairs ? Comment choisir celui qui représentera ses pairs ? Et au nom de quoi ? Les savoirs expérientiels d’un individu peuvent entrer en contradiction avec ceux d’un autre vivant pourtant une situation similaire. Faut-il départager les savoirs expérientiels personnels ? Et si oui, sur quels critères ? Ou au contraire doit-on considérer que tous les savoirs expérientiels ont fondamentalement la même valeur ? Qu’ils ne valent de façon certaine que pour une seule personne ?

Cette question de départager les savoirs expérientiels se pose également au niveau collectif. Peut-on affirmer qu’un groupe de pairs auraient davantage de savoirs expérientiels qu’un autre ? Ou bien peut-on affirmer que les savoirs expérientiels des uns seraient plus utiles, pertinents ou valides que ceux des autres ? Peut-on affirmer que les savoirs expérientiels des personnes directement concernées seraient plus pertinents que ceux de leurs proches, ou l’inverse ?  Et si cela n’était pas possible, comment faire quand les savoirs expérientiels des uns et des autres impliquent des actions contradictoires ?

Enfin, cette même question se pose également au niveau organisationnel ou politique. Sur quels savoirs expérientiels peut-on s’appuyer pour améliorer la qualité d’une offre ou penser une politique publique ? Des mises en concurrence des savoirs expérientiels ont été constatées. Des publications scientifiques montrent même que des lobbies industriels dans le champ de la santé agissent pour favoriser l’émergence ou au contraire diminuer l’influence de mouvements de patients (O’Donovan, 2007 ; Rothman et al., 2011).

Aussi est-il important aujourd’hui d’ouvrir ce débat : de quels savoirs expérientiels avons-nous besoin ? Plus précisément, nous nous intéresserons à comprendre ce qu’apportent les savoirs expérientiels personnels, collectifs ou pairjectifs (Gardien, 2020). Que permettent-ils de faire ? Par qui ? Et pour qui ?

Site web du Colloque et du forum EXPAIRs 2023

https://expairs2023.sciencesconf.org/

Téléchargements à disposition