expairs Journée d’étude 2022

 

partenariat EXPAIRs – Observatoire national ORSPERE Samdarra

 

 

L’expérience de vie fait-elle compétence ?
Entraide, soutien et accompagnement par les pairs

Journée d’étude en ligne, 21 janvier 2022

 

le programme

Table ronde - De l'expérience de vie comme compétence
  • Quels arts pour susciter l'espoir ? L'exemple de pair-accompagnants amputés
    Paul-Fabien Groud, Anthropologue, Post-doctorant, S2HEP, Université Claude Bernard Lyon 1
  • Mon expérience de migration : une ressource pour accompagner mes pairs
    Nagham Bajjour, Médiatrice pair à L’espace, ORSPERE Samdarra
  • Reconnaitre le vécu de l'autre et l'aider à trouver l'équilibre dans l'affliction
    Fidèle Mabanza, poète, formé à la philosophie
Table ronde - Si l’expérience de vie n’est pas suffisante, que faut-il d’autre ?
  • Quand les émotions s’en mêlent, rester pair
    Samir Boudrahem, Sociologue et Formateur Masso-kinésithérapeute, IFMK composante de l'ISTR, Université Claude Bernard Lyon 1
  • Pairité : mettre du sens à l’expérience rare, entre pairs
    Eve Gardien, Maître de conférences, Sociologue, ESO (UMR CNRS 6590), Université Rennes 2
  • De quelques orientations pour l'action
    Nicolas Chambon, directeur scientifique, Sociologue, ORSPERE Samdarra

L'Argumentaire

Aujourd’hui nombreux sont ceux convaincus d’un lien de causalité directe entre expérience de vie et compétence à soutenir ou à accompagner ses pairs. De l’expérience découlerait savoirs et compétences. Pourtant rien n’est prouvé en la matière, pas plus que l’inverse. Force est de constater qu’une grande variété d’effets est produite par les personnes se déclarant « pairs ». Par leur accompagnement, certains permettent à d’autres de reprendre pied dans leur vie ; tandis que d’autres vident le groupe de soutien par leur seule présence.

Qu’est-ce qui permet de savoir-agir de façon pertinente et utile vis-à-vis de ses pairs ? L’expérience de vie est-elle suffisante en elle-même pour faire advenir les compétences ou pas ? Les enquêtes réalisées ont permis d’observer que certaines personnes ayant traversé des épreuves de vie majeures sont particulièrement compétentes à soutenir ou accompagner leurs pairs. Il est possible d’être compétent sans être un professionnel, ni même un bénévole. D’autres personnes ont pu déployer leurs compétences à soutenir ou accompagner leurs pairs grâce à une formation qui leur a notamment permis de faire fructifier leur expérience de vie. Il arrive aussi, peu fréquemment, que des personnes formées et diplômées ne soient pas compétentes en matière de soutien ou d’accompagnement de leurs pairs.

Autrement-dit il n’y a pas de lien de causalité directe entre expérience de vie et compétence à accompagner ou soutenir ses pairs, mais l’expérience de vie est incontournable pour établir une relation de pair à pair. Deux questions se posent donc :

En quoi l’expérience de vie contribue-t-elle à forger une compétence de soutien ou d’accompagnement de ses pairs ?

L’expérience de vie n’étant pas suffisante, quelles autres qualités, savoir-agir ou savoir-être sont nécessaires pour accompagner ses pairs ?

L’institutionnalisation progressive des pratiques d’accompagnement par les pairs et de leur périmètre d’action ne résout pas en pratique cette question du lien entre expérience de vie et compétence. L’institutionnalisation par l’action publique en France se révèle en effet plurielle. De nombreux cas de figure se déploient, sans que cette question du lien entre compétence à accompagner ses pairs et expérience de vie soit véritablement investiguée, comprise, ou encore prouvée scientifiquement. Certains secteurs et certaines institutions privilégient franchement l’expérience de vie, tandis que d’autres favorisent davantage une brève formation, et d’autres encore la diplomation universitaire consécutive à une formation et à un stage pratique.

Par exemple, depuis 2017, le déploiement du Logement d’Abord [1] promeut le recrutement d’un pair-aidant dans chaque équipe d’intervention. Pour le dispositif Un chez soi d’Abord, les conditions imposées par un décret de 2016 sont l’expérience d’usager en santé mentale et une certification à minima d’un niveau III, autrement-dit d’un Bac + 2, et, à défaut, d’une validation des acquis de l’expérience (VAE) dans les 5 années qui suivent la prise de poste. Cette seconde option de la VAE est couramment retenue et amène donc à recruter essentiellement sur l’expérience de vie.

Suite aux travaux d’un groupe partenarial coordonné par le Comité Interministériel du Handicap (CIH) au cours de la période 2019-20, une formation d’intervenant pair se développe aujourd’hui sur le territoire national. D’une durée de 4 à 5 jours, s’adressant pour l’instant à des personnes en situation de handicap, cette formation vise à discerner et à consolider les savoirs expérientiels acquis, s’approprier un socle de connaissances sur l’organisation politique et administrative du champ, et intérioriser les modalités de l’intervention pair. La priorité est dans ce cas de figure donnée à une formation de très courte durée en complément de l’expérience de vie.

La mise en œuvre de la licence professionnelle parcours Médiateur de Santé-Pair (MSP) [2] et du DU Pair-Aidant [3] marquent le choix ferme de certains acteurs du champ de la santé mentale de qualifier à travers une formation de plusieurs semaines et d’un stage pratique. La sélection à l’entrée dans ses formations est importante du fait du peu de places pour un grand nombre de candidats. En outre, un réel travail théorique, pratique et de construction d’une posture professionnelle est attendu. Cette option est clairement celle d’une professionnalisation, bien au-delà de la seule expérience de vie.

Enfin, signalons le cas de l’AQRP [4] au Québec qui développe depuis 2006 une formation en direction des pairs et concomitamment une formation en direction des employeurs et des équipes en santé mentale. La formation des pairs prévoit deux semaines sur site et un stage de 42h. Avant même la sélection, la personne doit remplir un certain nombre de critère au nombre desquels : avoir vécu ou vivre avec un problème de santé mentale, être prête à dévoiler son expérience de vie en lien avec son trouble mental et son rétablissement, être ancré dans son rétablissement depuis au moins deux années, détenir une habileté en relation d’aide, avoir une expérience de travail ou d’engagement pertinente, posséder un bon français parlé et écrit, posséder un diplôme d’études secondaires ou son équivalent. Dans ce dernier cas de figure, si la formation et le stage sont courts, la pré-sélection et la sélection sont plus exigeantes que ce n’est l’usage en France. Par ailleurs, la personne et son employeur sont accompagnés après la prise de poste. L’expérience de vie est un critère important, mais reste un critère parmi d’autres.

Si la compétence est la connaissance approfondie et reconnue d’un domaine, qui confère à l’individu détenteur le droit de juger ou de décider en certaines matières, alors la compétence est toujours limitée et circonscrite. Les dispositions et aptitudes acquises au cours de l’expérience ne relèvent pas de l’omniscience. Si les personnes sont détentrices de savoirs expérientiels, en quels domaines sont-elles compétentes puisque chacun est communément détenteur de savoirs expérientiels ? Certaines compétences sont-elles transversales à différents types d’expérience ? L’expérience d’accompagner ses pairs permet-elle la production de savoirs et de compétences ? À quelles conditions l’expérience d’accompagner ses pairs au sein d’une équipe pluriprofessionnelle permet-elle le développement de relations de pair-à-pair(s) ?

Cette journée n’a pas eu vocation à évaluer ou à juger les critères de recrutement, ou les choix faits par les secteurs, les institutions ou encore les employeurs. Cet évènement scientifique a visé à comprendre, à produire de la connaissance, à éclairer le lien entre expérience de vie et compétence à soutenir ou accompagner ses pairs.


[1] Action publique portée par la DIHAL
[2] Licence 3 Sciences sanitaires et sociales, parcours Médiateurs de Santé-Pairs, université Sorbonne Paris Nord
[3] Diplôme d’Université Pair-Aidance en santé mentale, université Lyon 1
[4] AQRP : Association Québécoise pour la Réhabilitation Psychosociale

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Ressources à disposition